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Facebook, le raz-le-bol des médias américains

C’est Bloomberg qui l’annonce: les médias américains en ont marre de Facebook. J’en parlais dans un article précédent, le réseau social de Mark Zuckerberg ne travaille pas dans l’intérêt des médias, il a même plutôt tendance à scier la branche sur laquelle il est assis.


« Facebook is about Facebook », la petite phrase assassine d’Andrew Morse, General Manager des opérations digitales de CNN montre bien à quel point les relations entre le network d’info continue et Facebook se sont rafraichies. Il faut dire que l’histoire entre ces deux-là avait bien commencé. Ces dernières années, dès que Facebook avait un produit à tester, il pouvait compter sur la collaboration de la chaîne américaine (entre autres networks de poids) pour implémenter la solution et l’éprouver en situation réelle. CNN avait donc eu la « chance » de tester « Paper » avant que l’application soit passée par pertes et profits quelques années plus tard au profit des « Instants Articles » qui connurent un succès non négligeable avant d’être progressivement abandonnés cette année par les différents médias early adopters.
[btx_quote author=”– Andrew Morse, general manager of CNN’s digital operations” style=”border” author_color=”dark_border” quote_color=”primary_brand”]”Facebook is about Facebook”[/btx_quote] La dernière bataille se jouant désormais sur le front de la vidéo en streaming, Facebook vient titiller le prêt carré de YouTube (propriété de Google) en proposant à CNN de fournir un flux vidéo de qualité contre une part de revenus publicitaires. Une opportunité de taille pour la bête de Zuckerberg, mais un problème de taille pour CNN qui ne s’y retrouve pas. La petite idée que Facebook a derrière la tête consiste à capter une partie des 70 milliards de budgets publicitaires destinés à la TV en glissant quelques pubs qu’il contrôle, au milieu des vidéos proposées dans son flux.

Les serfs et le vassal.

[btx_image image_id=”3716″ link=”/” position=”left” size=”medium » on_click=”none » ][/btx_image] Les relations ne sont vraiment pas au beau fixe entre les médias TV et l’entreprise californienne. Jason Kint, patron de « Digital Content Next » en vient même à comparer la relation média/Facebook à celle des serfs du moyen âge vis-à-vis de leur vassal. Ambiance. Pourtant ces dernières années, tout le monde s’est précipité vers la plateforme américaine pour diffuser ses contenus, dans l’espoir de récolter suffisamment d’audience — notamment sur mobile — pour assurer leur survie.
Ce qui était prévisible arriva, le coût de production des contenus vidéos a largement dépassé les bénéfices tirés du deal avec Zuckerberg, laissant les médias dans l’expectative. Coté Facebook, il est dit que des efforts sont menés pour écouter les médias, discuter avec eux de la répartition des revenus, mais sans qu’on ait vu le Facebook Journalism Project vraiment porter ses fruits ou améliorer quoi que soit.
L’enjeu est de taille pour Facebook, fournir à 1,9 milliard d’utilisateurs les contenus qu’ils désirent sans qu’ils aient à quitter la plateforme (qu’ils soient sur mobile, tablette ou pc). Dans sa quête d’hégémonie, Facebook s’est engagé dans une course au contenu dont les effets collatéraux risque d’être dévastateurs pour ceux des médias qui n’auront pas eu la présence d’esprit de protéger leur production ni leurs revenus.
À lire en anglais: l’article sur Bloomberg

Gerald Holubowicz
https://geraldholubowi.cz
Ancien photojournaliste et web-documentariste primé, je travaille désormais comme chef de produit spécialisé en innovation éditoriale. J’ai notamment collaboré avec le journal Libération, les éditions Condé Nast, le pure player Spicee et le Groupe les Échos/le Parisien. À travers mon site journalism. design, j’écris sur le futur des médias et étudie l’impact des réalités synthétiques — notamment les deepfakes — sur la fabrique de l’information. Après 10 ans d’interventions régulières auprès des principales écoles de journalisme reconnues, j’interviens désormais à l’École de Journalisme et au Centre des Médias de Sciences Po à Paris.