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Fake News, la contre attaque s’organise

Début février, Firstdraft et le Google News Lab ont profité du News Impact Summit organisé dans les locaux de Sciences Po Paris pour annoncer Crosscheck. Une initiative de lutte contre la désinformation et un outil de vérification collaborative à destination des internautes. Suivant la trace, d’autres initiatives voient le jour à travers le monde.

Pour plus sur le sujet écoutez le podcast Wires and Lights in a Box


L’élection présidentielle française approche, plus que quelques semaines pour battre campagne. Les journalistes sont chahutés (ici, ici et ici) ciblés, attaqués. Les trolls français sont en ordre de bataille, soutenus comme le révèle Buzzfeed, par leurs homologues américains qui dans le domaine électoral ont gagné de sérieux galons l’an passé. Il était donc temps de passer à l’action et de développer des outils pour guider les lecteurs à travers ce champ de mines digital. C’est ce que tente de faire plusieurs coalitions de titres français et étrangers.

Une légion de rédactions contre la désinformation.

L’idée derrière « Crosscheck » consiste donc à aider les lecteurs à repérer les intox, les fake news, la désinformation, bref tout ce qui ne relève pas d’une information vérifiée, recoupée et sérieuse. À l’approche des élections françaises, 17 rédactions se sont réunies pour effectuer ce fact-checking (la vérification de la véracité de l’information) permanent. Chaque membre de cette coalition utilise les informations vérifiées dans leurs propres articles.


Les lecteurs sont d’ailleurs sollicités dans cette quête de la vérité puisqu’ils peuvent soumettre leurs propres questions sur telle ou telle info, signaler des liens suspicieux et consulter le site dédié pour vérifier les informations qu’ils jugent douteuses. CrossCheck repose sur l’utilisation de différents outils de fact checking et différentes technologies telles que :

  • CrowdTangle, un outil qui aide à surveiller les contenus sur les réseaux sociaux pertinents pendant les élections.
  • Spike, une techno NewsWhip pour repérer et prévoir les évènements viraux.
  • Google Trends pour repérer les recherches effectuées sur tel ou tel candidat ou sur la campagne en temps réel.
  • Hearken un système de management de l’engagement pour récolter et répondre aux questions du public.
  • Meedan Check, une plateforme collaborative de vérification de l’information.
  • SAM un CMS de médias sociaux
  • Le Décodex, une base de donnée de près de 600 sites identifiés comme satiriques, réels, ou fake etc…

Coté Facebook, même initiative de vérification de l’information. Le réseau de Zuckerberg – qui supporte également l’initiative Crosscheck – s’est associé avec l’AFPBFM TVFrance TélévisionsFrance Médias MondeLibérationL’ExpressLe Monde et 20 Minutes pour vérifier les infos signalées comme « fake » directement depuis la plateforme. Le fonctionnement : si deux titres valident le fait qu’il s’agit d’une fausse info, celle-ci se verra labéliser comme tel dans le flux Facebook et sera exclue des dispositifs de monétisation par la publicité. L’implémentation sur la version US de Facebook fonctionne déjà et son implémentation française se déploie ces jours-ci.

Controverse en France…

À la fois juge et arbitre, le Monde.fr s’est également lancé dans l’aventure de l’anti Fake News avec son Decodex mené par Samuel Laurent. L’objectif du dispositif est d’offrir un outil d’évaluation de crédibilité de sources. Un outil en évolution, puisqu’amendé par l’équipe du Decodex qui remet régulièrement à jour la base de données et les critères d’évaluation. Les objections sont nombreuses et certains, comme le très inspiré Frédéric Lordon, l’équipe d’arrêt sur Image ou encore Libération ont d’ores déjà rejoint les rangs des sceptiques. Sans préjuger du succès de l’opération, on peut déjà noter que seuls les convaincus, ceux qui cherchent réellement à vérifier leurs informations, installeront l’extension Chrome nécessaire à toutes vérifications.

… et contre attaque à l’étranger

Dans cette guerre contre l’information non vérifiée, c’est toute la profession de journaliste qui semble se lancer dans la bataille. Le New York Times a récemment diffusé un clip pendant la dernière cérémonie des Oscars visant directement Donald Trump et sa dernière attaque « anti-mainstream-media ».

Un peu avant ça, dès les premières semaines de janvier, la BBC a mis en place un service anti Fake News, le Guardian a publié un Quizz pour aider ses lecteurs à apprendre à détecter les fausses informations. Daniel Sieradski, journaliste et activiste a développé un plugin de détection de fiabilité des sources – le bsdetector (pour détecteur à Bullshit) – en réaction à l’incapacité de Facebook à réagir contre les fausses informations colportées notamment par des éditeurs comme “InfoWars”. Le plugin a été téléchargé près de 25.000 fois d’après un article du Guardian dans lequel Sieradski explique sa démarche.

Dans la même veine, Eli Pariser, CEO d’Upworthy, un news mag américain en ligne, et auteur du livre “The Filter Bubble”, a dès novembre 2016 lancé une initiative collaborative en ligne sur Google Doc intitulé “Media ReDesign: The New Realities”. Ce document qui évolue rapidement grace à la collaboration de nombreux journalistes, activistes et designers du monde entier, ce veut être un guide pour redesigner l’information à l’ère des bulles d’information. Je vous engage vivement à parcourir ce document de 186 pages extrêmement riche en informations, en liens et en réflexions.

 


Pour aller plus loin : 

Et quand ça va trop loin : 

Gerald Holubowicz
https://geraldholubowi.cz
Ancien photojournaliste et web-documentariste primé, je travaille désormais comme chef de produit spécialisé en innovation éditoriale. J’ai notamment collaboré avec le journal Libération, les éditions Condé Nast, le pure player Spicee et le Groupe les Échos/le Parisien. À travers mon site journalism. design, j’écris sur le futur des médias et étudie l’impact des réalités synthétiques — notamment les deepfakes — sur la fabrique de l’information. Après 10 ans d’interventions régulières auprès des principales écoles de journalisme reconnues, j’interviens désormais à l’École de Journalisme et au Centre des Médias de Sciences Po à Paris.