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Comment organiser sa veille ?

Question cruciale, comment s’informer correctement ? Comment s’assurer de la validité des informations qu’on reçoit chaque jour, comment panacher ses sources, être au courant des infos importantes et obtenir les éléments de contexte nécessaires à la compréhension de l’actualité. Il n’y a pas de recette unique, mais avant tout un moteur indispensable: la curiosité.
Il faut savoir être curieux de tout, des choses que l’on ne connait pas, des gens et des opinions contraires aux nôtres. La curiosité comme maitre mot de l’information.

La veille sur une journée

Pour mon activité de journaliste pendant plus de 10 ans et jusqu’à aujourd’hui, j’ai développé une veille assez extensive qui ramène à moi beaucoup d’infos glanées sur le web. Et si d’aventure j’en manque une dans tout cela, j’ai écouté attentivement les conseils de Jeff Jarvis qui en 2009 disait « si l’information est importante, c’est elle qui me trouvera ».

Le matin

Évidemment, aujourd’hui comment commencer sa journée sans un coup d’œil à son téléphone portable ? Première app lancée le matin, celle de France Inter où dès 7.00 j’écoute les infos pour me tenir au courant des discussions du jour. Café en main, c’est un scan très bref de Facebook et de Twitter qui précède une lecture des titres de Médiapart, toujours sur l’application. Sur la route pour le boulot, j’ouvre Instapaper sur mon mobile où je retrouve les articles bookmarkés la veille à l’occasion de mes balades sur le web. Traditionnellement, c’est un peu plus d’une dizaine d’articles bookmarkés par jour, le tout lu et annoté sur le chemin aller et retour du travail.
Arrivée au bureau studieuse et gros break de news le temps de prendre pied avec les tâches du jour. Puis veille active et mise à jour de mon corpus, j’ouvre Feedly ou j’ai agrégé près de 300 flux RSS parlant de journalisme, d’innovation, de tech, de web, de photographie et de design. Je rejette un œil à Twitter pour déceler les articles qui m’auraient échappés, je réunis le tout dans un dossier Evernote, je lis, j’annote, je classe pour de futures utilisations ou pour me souvenir. La sélection des articles se fait sur plusieurs critères: la pertinence de l’article (apporte-t-il quelque chose de neuf ou est-ce la millième redite du même article lu il y a mille ans), l’auteur (ou la source et son autorité en la matière), le caractère disruptif, innovant, parfois punk de l’idée sous-jacente à l’article.
[btx_image image_id=”4205″ link=”/” position=”center” size=”medium_large” on_click=”none”][/btx_image] Je fonctionne un peu par obsessions et les thématiques du moment sont l’automation et la place de l’intelligence artificielle dans le mix société/travail, les systèmes alternatifs (gouvernance, économie, culture), le futur des médias et la transformation digitale (complètement ratée) des journalistes et la place du design et son influence dans la société notamment sur les questions liées à l’information.

Le midi

Rendez-vous incontournable de la pause de midi, les vidéos de vulgarisation. Je ne suis pas réellement cultivé, mais j’aspire à l’être, donc je tente de rattraper le retard. Au menu bien sur — et pour le plaisir de rester en contact avec les U.S, un petit coup de John Oliver avec the Last Week Tonight. Pour les analyses économiques, Winners&Losers de l’excellent Scott Galloways et le très pédagogique Eur?ka, mais aussi un petit coup de NotaBene pour le coté histoire, Monsieur Phi et Science4all pour satisfaire mon penchant pour Descartes. Dès qu’une vidéo du Fossoyeur sort, je ne la rate pas (parce que les critiques ciné intelligentes, y en a pas des masses) et quand je suis un peu énervé ou que je cherche des voix dissidentes un coup de Thinkerview. Je passe sur les conférences de plus d’une heure qui accompagnent parfois — en fond sonore — mes après-midi.
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Le soir

La fin de journée s’accompagne généralement de quelques lectures Instapaper sur le chemin du retour, un coup de C dans l’air (quand c’est possible) pour rester au courant de ce qui se dit dans les médias mainstream. Parfois même une petite émission politique par-ci par-là et le journal de 20h, par tradition désuète. Lecture le soir, en papier ou en digital, essai ou Science Fiction. En ce moment se bousculent sur la table de chevet, « Le Problème à Trois corps” de Liu Cixin, “L’information à tout prix” de Julia Cagé, Nicolas Hervé et Marie-Luce Viaud et “Remaking the News: Essays on the Future of Journalism” de Pablo J. Boczkowski et C. W. Anderson.
Dernier moment de la journée, le meilleur, la balade du chien, pendant laquelle j’écoute un podcast – généralement “la méthode scientifique” animée par Nicolas Martin, ou “Sur les épaules de Darwin” de Jean Claude Ameisen ou de temps en temps “After Hate“, coté U.S, dès qu’un épisode sort, j’écoute “This American Life” (et en réécoute “Serial” ou “S-Town“) et “Intercepted” pour un tour de la politique U.S version lefties.
En croisant toutes ces sources, j’arrive à avoir un suivi de l’actualité plutôt correct qui repose sur des grilles de lectures suffisamment diverses et profondes pour m’offrir différents points de vue et m’aider à forger le mien. Bien évidemment, toutes les nouveautés issues de la sérendipité sont passées au crible fin pour connaitre les auteurs, leur background, leur crédibilité et celle de leurs travaux. Chaque chose étant perfectible par ailleurs, il me manque certainement un peu d’organisation. Un défaut que j’essaie de corriger en utilisant un outil comme Trello pour organiser mes journées et optimiser mes temps de veille.

Liste des outils utilisés:

Vous noterez que je garde mon nombre d’app au minimum, elles ont toutes une fonction particulière et agrègent un maximum de contenu. Deux médias établis sont présents, France Inter et Médiapart, un média audio et l’autre digital, l’un public (financé par nos impôts) l’autre indépendant (indépendant et financé en direct par les lecteurs). L’adhésion à ces médias est une sorte de manifeste pour des médias de service public et/ou indépendant (aux U.S j’écoutais NPR et DemocracyNow). Je continue de lire The Guardian et le NYT, comme le Huffington Post et Vox mais de façon moins régulière. Instapaper et Feedly sont des outils d’agrégat qui me permettent de collectionner et classer directement depuis mon navigateur via leur extension chrome les articles que je rencontre. Evernote me permet de créer des notes plus détaillées à propos des articles lus et classés. Youtube, Ibooks et Podcast sont des tubes à contenus (littéralement pour la vidéo et le podcast, moins vrai pour iBooks bien que ma frénétique tendance à télécharger des rapports le transforme en outil de flux également.). Trello et Buffer sont des outils permettant d’organiser mon planning, mes projets et mes réseaux sociaux de façon agile et rapide.
Il faut reconnaitre que je consacre au moins deux heures par jour à chercher des contenus pertinents, et à peu près autant à les lire, analyser et les annoter.
Nul doute que tout cela va bouger dans les années à venir, d’autant que la technologie associée va elle même se transformer, disparaitre ou changer de nature. Je trouvais cependant qu’il était intéressant de faire une photo de ces habitudes de consommation (très au-dessus de la moyenne, j’en suis certain) et de les comparer dans quelque temps à celles qui auront émergé.

Et vous ?

Et vous, comment faites-vous pour vous tenir informés, quelle est votre consommation média du jour, comment organisez-vous votre veille ?

Gerald Holubowicz
https://geraldholubowi.cz
Ancien photojournaliste et web-documentariste primé, je travaille désormais comme chef de produit spécialisé en innovation éditoriale. J’ai notamment collaboré avec le journal Libération, les éditions Condé Nast, le pure player Spicee et le Groupe les Échos/le Parisien. À travers mon site journalism. design, j’écris sur le futur des médias et étudie l’impact des réalités synthétiques — notamment les deepfakes — sur la fabrique de l’information. Après 10 ans d’interventions régulières auprès des principales écoles de journalisme reconnues, j’interviens désormais à l’École de Journalisme et au Centre des Médias de Sciences Po à Paris.