Retour

Le cas Haziq Abdullah Abdul Aziz, un deepfake politique?

Le cas Haziq Abdullah Abdul Aziz défraie la chronique en Malaisie et constitue l’une des premières suspicion d’un usage de deepfake en politique.  Retour sur cette affaire et partage de ressources.

Tendance notable de cette fin d’année, le rythme des publications consacrées aux deepfakes s’accélère. Si au départ la presse américaine s’intéressait seulement au volet technique de ces vidéos synthétiques, elle semble désormais se pencher davantage sur les questions de sécurité en explorant plus souvent qu’au début la notion de remise en cause du réel. Bien évidemment, l’actualité n’y est pas pour rien. La publication d’un deepfake de Mark Zuckerberg sur Instagram par Bill_poster_uk a fait sensation ces derniers jours. Mais c’est probablement la vidéo d’Haziq Abdullah Abdul Aziz (le principal secrétaire particulier du sous-ministre des industries primaires Datuk Seri Shamsul Iskandar Md Akin en Malaisie) qui pose le plus questions.

Haziq Abdullah Abdul Aziz dans sa vidéo confession publiée sur Facebook

Haziq Abdullah Abdul Aziz dans sa vidéo confession publiée sur Facebook

Cet homme d’une trentaine d’années, bien coiffé, lunette fine entourant un visage rond, apparait dans une vidéo de 39 secondes publiée le 11 juin dernier sur Facebook. Dans ce document, il déclare avoir eu des rapports intimes avec un Ministre de l’administration malaisienne. Dès le lendemain, le Malaymail publie un article posant la question de l’authenticité de la vidéo en question et soulevant au passage l’hypothèse de l’usage d’un deepfake en lieu et place de la confession. C’est la première fois à ma connaissance qu’un fait divers implique l’utilisation présumée d’un deepfake, sans qu’il soit évident qu’il y ait eu manipulation.

En soulevant l’hypothèse “du deepfake probable”, le Malaydaily instille le doute à propos du document diffusé sur Facebook et lance — probablement sans le vouloir — le coup d’envoi d’une quête d’authenticité des documents jusque-là redoutée. Rien n’empêchera à l’avenir quiconque qui se trouverait accusé de comportements délictueux ou simplement dénoncés par une certaine morale, d’invoquer l’excuse du deepfake.

L’hypothèse de mon mémoire est bien celle-ci, si les deepfakes ont un réel effet demain, il sera plus profond que n’importe quelle fake news jusque-là diffusée, puisque c’est la nature de ce qu’on voit qui est interrogée, c’est la croyance qu’on porte dans nos sens qui est mise au défi et c’est notre compréhension du monde par le biais de nos sens qui est bouleversée.

À l’occasion de mes recherches, j’ai créé une page sur Notion (un super outil qui m’accompagne chaque jour) pour collecter les articles, papiers et autres documents que je juge intéressants pour ma documentation. Si vous êtes autant fasciné par ces nouveaux types de médias que je le suis, n’hésitez pas à suivre cette page qui est régulièrement mise à jour avec les dernières publications marquantes.

Gerald Holubowicz
https://geraldholubowi.cz
Ancien photojournaliste et web-documentariste primé, je travaille désormais comme chef de produit spécialisé en innovation éditoriale. J’ai notamment collaboré avec le journal Libération, les éditions Condé Nast, le pure player Spicee et le Groupe les Échos/le Parisien. À travers mon site journalism. design, j’écris sur le futur des médias et étudie l’impact des réalités synthétiques — notamment les deepfakes — sur la fabrique de l’information. Après 10 ans d’interventions régulières auprès des principales écoles de journalisme reconnues, j’interviens désormais à l’École de Journalisme et au Centre des Médias de Sciences Po à Paris.