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Deep-porns : une nouvelle menace pour les femmes

Les deep-porns vont-ils jouer un rôle de plus en plus important dans le harcèlement en ligne? Deeptrace, société de cybersécurité basée à Amsterdam, publie en ligne son nouveau rapport sur l’état des Deepfakes et des médias de synthèse. Le document de 23 pages insiste sur la place de la pornographie dans la production et la menace qui pèse sur les femmes.

C’est le principal enseignement de ce court rapport que présentait hier sur Twitter Giorgio Patrini, le CEO de Deeptrace. Les deep-porns sont légion et constituent une nouvelle menace pour les femmes. Sur les 14678 vidéos répertoriées par les chercheurs de la boite néerlandaise, 96 % sont des deep-porns hyperréalistes. Le saut technologique effectué ces derniers mois par les G.A.Ns et la démocratisation d’outils de manipulation comme le sulfureux « Deepnude » (retiré officiellement de la circulation quelques heures après sa mise en ligne) permettent désormais aux tordus de tous horizons de produire de faux nus de leurs stars préférées ou de leurs ex. Le risque est évident, au-delà de la simple entreprise de démolition, ces deep-porns peuvent faire l’objet de chantages à l’image voire ouvrent la porte à des opérations frauduleuses de grande ampleur.

Pour le reste, les chiffres avancés sont à mettre en perspective afin de relativiser l’état de l’écosystème des deepfakes en 2019. Évidemment la croissance du phénomène reste préoccupante, les perspectives que les médias de synthèse nous promettent soulèvent des questions morales et philosophes importantes, mais regardons de plus loin les chiffres présentés:

  • En près d’un an, le volume de deepfakes a doublé passant de 7,964 en décembre 2018 à 14,678 un peu moins d’un an plus tard. On peut être impressionné par cette augmentation, mais en comparaison du volume de vidéo téléversé chaque minute sur YouTube (l’équivalent de 500 h de vidéo chaque minute ou 576000 heures de vidéo par jours), ce volume de vidéo disponible est assez insignifiant.
  • Cela représente donc 610 vidéos postées par mois dont la majorité constituée de deep-porns mis en ligne sur des sites de niche dédiés à ce genre nouveau de pornographie. En comparaison, YouTube recevait en 2017 près de 300.000 vidéos par jour.
  • 96 % des 14678 vidéos sont des contenus pornographiques. Ce type de vidéos ont une durée de vie limitée et une audience faible, cantonnée dans un secteur de niche.
  • Bien que déjà considérables, les 134.364.438 vues de deep-porns en 2019 ne représentent paradoxalement presque rien en comparaison des 5 milliards (5.000.000.000) de vues réalisées sur Pornhub en 2018 (Src : Pornhub)

 Je vous laisse prendre connaissance de l’intégralité du rapport qui mérite tout de même qu’on s’y attarde. N’hésitez pas à télécharger le mémoire sur les deepfakes publié en juin dernier sur deepfake.media.

Gerald Holubowicz
https://geraldholubowi.cz
Ancien photojournaliste et web-documentariste primé, je travaille désormais comme chef de produit spécialisé en innovation éditoriale. J’ai notamment collaboré avec le journal Libération, les éditions Condé Nast, le pure player Spicee et le Groupe les Échos/le Parisien. À travers mon site journalism. design, j’écris sur le futur des médias et étudie l’impact des réalités synthétiques — notamment les deepfakes — sur la fabrique de l’information. Après 10 ans d’interventions régulières auprès des principales écoles de journalisme reconnues, j’interviens désormais à l’École de Journalisme et au Centre des Médias de Sciences Po à Paris.