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Design Thinking: un guide et des liens pour bien commencer.

Le Design Thinking n’est pas toujours un sujet bien accueilli au sein des rédactions. Les journalistes, pas toujours très content de se voir transformés en Chef de projets éditorial, sont pourtant de plus en plus confrontés à un nombre croissant de projets numériques. Particulièrement adapté pour les sujets ambitieux, le design thinking offre un cadre de réflexion qui servira également dans la création de projets plus modestes. L’idée de cet article est de recenser les ressources les plus utiles dans le domaine et vous donner un peu plus confiance au moment d’attaquer votre projet.

Pour commencer, il s’agit de poser les bases de la gestion de projet. En pianotant sur votre moteur de recherche préféré, vous noterez que les choses ont grandement évolué depuis quelques années. Nous sommes passés d’un type de gestion très séquentiel, reposant sur la méthode en cascade, rigide, nécessitant que chaque étape soit validée pour que le projet puisse avancer, à une méthode plus itérative et agile.

Cette méthodologie agile, très en vogue depuis quelques années notamment dans l’univers des startups s’appelle le Design Thinking. Développé dans les années 80 à l’université de Stanford aux États-Unis, le Design Thinking a connu un essor formidable depuis, notamment grâce aux efforts d’une entreprise californienne appelée IDEO qui s’est spécialisée dans le domaine.

Au premier abord, l’apparition de ce type de méthode de gestion de projet au sein des rédactions ressemble à une intrusion de la « Startup Nation » dans un univers jusque là épargné par la technocratisation. Pourtant le journalisme a tout à gagner à comprendre et apprendre ces méthodes. Tout d’abord l’approche centrée sur l’utilisateur se rapproche de la préoccupation permanente des journalistes à faire remonter les besoins de la population. Par ailleurs, ce cadre de pensée, complètement adapté à la création de contenus digitaux, permet de réaliser des productions plus en phase avec le public, avec ses usages, ses habitudes, ses façons de consommer l’information et contribue ainsi à une plus grande diffusion des sujets importants sur lesquels les journalistes travaillent quotidiennement.

Enfin, il est bon de noter que la conception d’un projet éditorial ne comprend pas que la phase technique et revêt également un grand nombre de choix éditoriaux ce qui fait des journalistes qui maitrisent ces techniques des acteurs clefs de la chaine de production de l’information. Il ne s’agit donc pas d’opposer une méthode à une autre, l’intuition à la méthode. Il s’agit d’utiliser l’ensemble des approches de façon complémentaire.

Avant d’aller plus loin, je vous invite à découvrir la liste des outils de gestion de projet que j’utilise régulièrement. J’ai cherché les outils les plus simples, les moins chers (voire les gratuits) qui permettent d’avancer sereinement dans la réalisation de projets éditoriaux. Vous allez voir, si ce n’est pas déjà le cas, Trello va devenir votre ami !

Le Design Thinking en 5 étapes

Le Design thinking est une méthodologie qui croise de nombreux domaines. Il repose sur une série d’étapes au centre desquels l’itération s’érige en principe et dont l’objectif consiste à impliquer l’utilisateur final (user centrique) dès le départ pour être certain d’apporter une solution à un problème déjà rencontré. Il ne s’agit donc pas d’imaginer des problèmes factices, mais bien de consulter les publics « cibles » pour déterminer à travers des interviews qu’elles sont leurs problématiques quotidiennes et comment y remédier efficacement. La d.School de Stanford définit 5 grandes étapes qui structurent le Design Thinking.

(télécharger le guide d.School en français).

EMPATHIZE | DEFINE | IDEATE | PROTOTYPE | TEST
(cliquez sur un des mots pour sauter au paragraphe concerné)
Avant d’attaquer ces 5 phases, il est indispensable de penser au public cible que vous souhaitez toucher. Sans cela, vous risquez de chercher à régler un problème trop vaste. Pour cela il faut donc créer des personas, c’est-à-dire des personnages cibles fictifs, qui vous permettront de mieux cerner les comportements, les buts et les motivations de votre public.

Apprendre à construire des personas

Empathize (Comprendre):

C’est le moment le plus délicat. Il s’agit d’écouter, de ressentir, de comprendre le problème du public cible. En règle générale, il s’agit là d’une phase très proche de ce que les journalistes connaissent puisqu’elle consiste concrètement à interviewer des utilisateurs/lecteurs en cherchant à comprendre exactement ce qu’ils font, ce qu’ils pensent, ressentent ou se disent en lisant un des produits d’information du média pour lequel vous travaillez. Il s’agit d’une étape clef qu’on élude bien souvent pour des raisons de coûts ou de temps. Pourtant c’est à travers cette écoute attentive, ce questionnement précis, qu’il sera possible de cerner les besoins exacts du public cible. Autre bénéfice, il sera plus facile de poser la problématique, plus aisé de se poser les bonnes questions par la suite et donc éviter les aller-retour contre-productifs qui vous feront perdre du temps et dépasser vos budgets.

Define (Poser la Problématique):

À ce moment-là, il s’agit de réunir toutes les informations collectées durant les entretiens utilisateurs et la phase « Découverte ». Il est important à ce stade de définir le problème rencontré en gardant à l’esprit le centrage sur l’utilisateur final. C’est-à-dire qu’il faut à tout prix éviter d’exprimer le problème de votre point de vue (par exemple : “Nous souhaitons couvrir les sujets traditionnellement ignorés en nous basant sur un dispositif innovant capable d’engager la frange 18-25 ans de notre lectorat. ») mais plutôt penser le problème du point de vue du lecteur (ex : Les 18-25 ans peinent à faire entendre leur voix dans le débat démocratique, comment leur permettre d’exprimer les problématiques qui les touche ? »). Cette phase également cruciale va permettre aux développeurs, aux concepteurs, aux rédacteurs, aux illustrateurs de définir ensemble des éléments nécessaires au projet (les « nice to have », les « must have » et ce dont on a pas besoin). C’est aussi le moment où chacun va pouvoir s’inspirer des réflexions remontées au travers des interviews, on commence à cette étape à évaluer la pertinence des idées qui sont exprimées, l’équipe se structure petit à petit. L’idée est de glisser progressivement vers la 3e phase — l’idéation — en posant des questions structurantes du type : « comment encourager les 18-25 ans à s’exprimer sur les sujets qui les concernent et comment restituer fidèlement leur parole ?”.
Définition :

La phase de Brainstorming :

 Ideate (Réfléchir):

En passant par les phases précédentes, vous avez pu réunir le maximum d’information sur vos utilisateurs et leurs attentes. Vous avez également pris le temps de réunir l’ensemble de leurs remarques, vous avez synthétisé tout cela pour arriver à une problématique bien resserrée. Maintenant il temps de réfléchir et de sortir des sentiers battus. C’est l’heure de prendre vos post-its et de balancer au mur toutes les idées qui vous passent par la tête.

Créer une expérience map :
L’expérience map est un outil pratique qui permet de visualiser l’expérience de votre lecteur en un coup d’œil. Elle donne une vision d’ensemble et incarne les différents flux, points d’entrée et de sortie de l’expérience que vous souhaitez faire vivre.

Prototype (Prototyper) :

La phase de prototypage permet de mettre en forme de façon concrète les idées travaillées auparavant. Selon qu’il s’agisse d’un site web ou d’une campagne transmedia, la nature des prototypes changera grandement.

Test (Test utilisateur) :

Dernière étape avant d’entamer une nouvelle boucle itérative si le besoin s’en fait sentir. Cette phase permet d’affiner le ressenti utilisateur et de découvrir si le prototype répond à la problématique de départ.

J’espère que cette longue liste de tutoriels vous sera profitable pour commencer à vous pencher sur la méthode Design Thinking. Bien évidemment, il ne s’agit pas de prétendre que tout projet doit être conduit systématiquement de cette façon. Les projets longs sont bien évidemment plus adaptés puisqu’ils requièrent un investissement plus important et que la portée, l’impact recherché doit être plus fort. J’essayerai prochainement de monter un petit document reprenant les meilleures pratiques adaptées spécifiquement au journalisme digital.

Gerald Holubowicz
https://geraldholubowi.cz
Ancien photojournaliste et web-documentariste primé, je travaille désormais comme chef de produit spécialisé en innovation éditoriale. J’ai notamment collaboré avec le journal Libération, les éditions Condé Nast, le pure player Spicee et le Groupe les Échos/le Parisien. À travers mon site journalism. design, j’écris sur le futur des médias et étudie l’impact des réalités synthétiques — notamment les deepfakes — sur la fabrique de l’information. Après 10 ans d’interventions régulières auprès des principales écoles de journalisme reconnues, j’interviens désormais à l’École de Journalisme et au Centre des Médias de Sciences Po à Paris.